Remontons le temps
Souvenons-nous, ce n’est pas si loin !


Pour nous, les anciens, ce n’est pas si loin… Fils ou fille de paysan, qui d’entre nous n’est pas monté sur la « charrette » pour, comme on disait, tasser le foin ?
La fenaison représentait un important travail. La réalité d’aujourd’hui réduit considérablement le dur labeur d’hier où il n’y avait point de tracteur, de faucheuse, de faneuse, de râteleuse.
Une fois sec, il fallait charger la remorque et surtout la décharger pour rentrer le foin dans la grange.
Autrefois, le fauchage commençait avec la préparation de la faux. Chaque paysan avait la sienne : une lame large au talon, effilée à l’autre extrémité, montée sur un manche de coudrier ou de châtaignier avec deux solides poignées, l’une au milieu, l’autre au bout du manche.
La préparation de la faux consistait à battre la lame : qui n’a pas vu un père ou grand-père assis par terre sous le grand tilleul, la petite enclume spéciale plantée dans une grosse racine, déplacer lentement le tranchant de la lame sur l’enclumette en tapant régulièrement avec le marteau à aiguiser, un marteau plat ? Chacun avait son rythme et se reconnaissait de loin : Pan, pan, pan, pan, c’était un tel ; pan, pan, panpan pan était quelqu’un d’autre.
La lame bien battue, il fallait lui donner du fil avec la pierre qui était maintenue humide le plus souvent dans une corne de vache.
C’est l’heure d’aller faucher. Le soleil n’est pas encore levé, que les hommes attaquent les prairies.
Les jambes légèrement écartées, les pieds dans de solides sabots de noyer, indispensables pour assurer leur protection contre un écart de la faux, les mains solidement fixées sur les poignées du manche, ils prennent un léger élan vers la droite pour plonger la lame au cœur même de l’herbe en faisant un large mouvement de rotation du tronc et des bras.

Endain après endain, (je vous laisse chercher la signification), l’herbe coupée s’alignait. Puis vers huit heures, c’est le casse-croûte : un solide quignon de pain préparé par la maîtresse de maison.
Une fois l’herbe coupée, il fallait faner et le soir venu, la rassembler en meules pour éviter l’humidité de la nuit et la rosée du matin.
Tout ce travail s’effectuait en pleine chaleur sans autre pause véritable qu’à midi et vers seize heures, à l’heure du « marende » (mot patois qui se comprend facilement).
Ce « marende » aujourd’hui fait l’objet, dans nos campagnes, de grandes fêtes estivales où l’on retrouve les vieux outils, les vieux métiers, la batteuse et un repas presque pantagruélique.

Ce « marende » de 16h… quel délice, c’était frais, c’était sucré, c’était fort, c’était BON.
Il donnait une force nouvelle et un entrain pour le travail le plus dur : charger le foin sur la charrette, équipée de deux roues très grandes pour emprunter plus facilement les mauvais chemins de terre.
Dans cette charrette, toujours quelqu’un pour tasser le foin lancé par les hommes et jusqu’à la dernière fourchée où l’on criait « qu’ei chaba » (c’est fini).
Mais il restait encore à décharger cette charrette et à l’engranger et c’était sans doute le travail le plus pénible. En plus, Il faut rentrer dans la grange en reculant.
Celui ou celle qui se trouvait dans la charrette grimpait dans le fenil pour égaliser et tasser la montagne de foin.
Au début, la tâche est facile, mais lorsque la hauteur du foin atteint les maîtresses poutres de la grange, il n’y a plus guère de place, l’air se fait rare, la poussière est épaisse et la chaleur étouffante.
Quelle joie quand tout est fini avant l’orage !
Si celui-se mettait à gronder, ce qui arrivait souvent et que tout n’était pas fini, il fallait alors, « barger » (faire des monticules de foin) et faner, « rebarger » et refaner, pour rentrer, au bout du compte, un mauvais foin qui sentait le rance.
Car, quelle joie quand le foin était excellent avec une bonne odeur d’herbes et fleurs des prés, un foin moelleux, bien sec et savoureux.

C’ETAIT UN AUTRE TEMPS,
MAIS PAS SI LOINTAIN QUAND MEME…